Octobre 2010, alors que je m’apprête à ouvrir ma première boutique, les vitrines sont encore occultées par les bâches qui cachaient les travaux finissants. Mais je n’avais pas utilisé n’importe quel type de bâche, comme il est fait à l’accoutumée, y étaient imprimées dessus quelques-unes de mes créations.

Passant rue de Seine, devant ma boutique, Madame A. remarque qu’il s’agira là de joaillerie et vraisemblablement de créations. Elle ose ; elle pousse la porte…

-          Bonjour Monsieur, vous êtes créateur joaillier ?
-          Absolument Madame, puis-je vous renseigner ?
-          Vous êtes ouvert ?
-          Pas officiellement, cela ne saurait tarder, d’ici deux, trois jours. Mais je peux vous renseigner…
-          Je m’approche d’une dizaine (sourires) ; des amis et ma famille souhaitent m’offrir un cadeau. C’est d’une bague dont j’ai envie. Une bague de petit doigt. C’est tout ce que je sais, j’en suis sûre, cela fait tellement longtemps que j’en ai envie, mais comment, ça je ne sais pas du tout…
-          Souhaitez-vous que nous en parlions maintenant ?
-          Vous avez le temps ?
-          Je vous en prie, asseyez-vous…

Suite à un échange d’une bonne heure où je lui présentais nombre de créations, mais plus encore ; des formes géométriques, des sculptures, des plans… je lui proposais un autre rendez-vous pour lui soumettre quelques pistes.

-          Rien ne presse, me dit-elle, c’est pour mars prochain…
-          Comme vous le voyez, je suis en pleine ouverture de boutique ; laissez-moi un peu de temps. Dans un mois, cela vous conviendrait-il ?

-          Plus si vous souhaitez, une fois de plus, rien ne presse…
-          Dans un mois, ce sera bon.

Un mois plus tard, une seule idée m’était venue, sur laquelle j’avais beaucoup travailler. A tel point que rien d’autre ne sortait ! J’appelais Madame A. :

-          Bonjour Madame, Antoine Chapoutot à l’appareil ; Je n’ai qu’une proposition à vous soumettre, pourrions nous décaler notre rendez-vous de 15 jours pour que je puisse au moins vous en présenter une seconde ?

-          Plus si vous souhaitez, une fois de plus, rien ne presse…
-          Dans 15 jours ce sera bon…

Quinze jours plus tard, rien de mieux ! Un vrai bug ! Je décidais de tout de même recevoir Madame A., de lui soumettre mon projet et à partir de ces remarques, de retravailler.

 
Bague Chillida.jpg
 
 

La création était audacieuse. Je la lui commentais.

Or rose, or blanc, or jaune et or noir… Acceptez tout de même une pierre, on la cache…

A la fin de la description, un peu anxieux de connaitre sa réaction, je lui demandais :

-          Qu’en pensez-vous ? Que souhaitez-vous conserver, que souhaitez-vous changer ?

-          Tout ! Heu, rien, on ne change rien. Je ne sais pas comment vous êtes arrivé à ça ? Non, rien, ne changez rien. C’est incroyable, la dernière fois que nous nous sommes eus au téléphone, j’ai failli vous demander de faire apparaître le symbole de l’Homme. Et je ne vois que cela dans la vue du dessus. C’est fou. Je n’ai pas osé vous en parler, pour ne pas vous influencer… Le reste aussi me plait, ne changez rien ; et d’accord, je garde la pierre cachée…